DISCOURS DU PRESIDENT JUNCKER DEVANT LE PARLEMENT EUROPEEN SUR LE PLAN D’INVESTISSEMENT DE 315 MILLIARDS D’EUROS.
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les députés, Mesdames et Messieurs,
Il y a plus d’un mois, j’ai prononcé un discours devant cette Assemblée et promis à cette occasion de présenter un plan d’investissement ambitieux avant Noël. Un mois plus tard, c’est Noël avant l’heure: je tiens ici ma promesse.
Je suis ici devant vous, car c’est au Parlement que devraient se dérouler les événements importants.
Aujourd’hui, l’Europe tourne la page. Après des années de lutte pour rétablir notre crédibilité budgétaire et promouvoir les réformes, nous ajoutons à présent un troisième sommet au triangle vertueux: un «Plan d’investissement pour l’Europe» ambitieux mais réaliste. L’Europe a besoin d’un coup de fouet et la Commission lui fournit aujourd’hui les courroies pour mettre la machine en route.
Investir en Europe, c’est bien plus que des chiffres et des projets, bien plus que des fonds et des règles. Nous devons adresser un message aux Européens et au reste du monde: l’Europe est de retour. Le passé est derrière nous. Investir, c’est se tourner vers l’avenir.
Bien sûr, il ne faudra jamais oublier les sacrifices que de nombreux Européens ont consentis ces 6 dernières années pour surmonter la crise. Pas plus qu’il ne faudra cesser d’éliminer les barrières, d’ouvrir les marchés et de réformer ce qui ne fonctionne pas dans nos économies. Il s’agit-là de conditions nécessaires, mais pas suffisantes à la croissance.
Nous devons entreprendre des réformes structurelles pour moderniser et préserver notre économie sociale de marché. Nous devons faire preuve de responsabilité budgétaire pour rétablir la confiance et la viabilité de nos finances publiques. Et pour compléter cette triade vertueuse, nous devons à présent relancer l’investissement. Aucun arbre ne peut grandir uniquement grâce au sol et à l’air; le plan d’investissement que nous présentons aujourd’hui fournit l’arrosoir nécessaire.
Pour la première fois, la Commission européenne présente ensemble les trois composantes du succès économique à venir de l’Europe. Loin de s’entrechoquer, ces composantes sont rassemblées dans un seul et simple message: l’Europe, ce lieu porteur d’avenir et attractif pour l’emploi, la croissance et l’investissement, peut donner espoir à nos générations futures et au reste du monde.
Tout d’abord, parce que nous ne sommes pas simplement confrontés à un sérieux déficit d’investissement; nous sommes pris dans une trappe. Lorsque je m’entretiens avec des investisseurs, ils conviennent tous que l’Europe est un lieu d’investissement attrayant. Pourtant, les chiffres disent le contraire: les niveaux d’investissement dans l’UE ont baissé de 370 milliards d’euros par rapport aux niveaux historiques d’avant-crise. Alors que l’investissement repart aux États-Unis, l’Europe est à la traîne. Pourquoi en est-il ainsi? Parce que les investisseurs sont en quête de confiance et de crédibilité.
En second lieu, parce que nous sommes face à un paradoxe de taille: en dépit des immenses flux de liquidités circulant sur les marchés monétaires mondiaux et les comptes en banque des entreprises, l’investissement ne rebondit pas en Europe.
Troisièmement, parce que nos ressources publiques sont limitées: nos taux d’endettement ont bondi de 60 % à 90 % du PIB en quelques années à peine. Les dépenses publiques représentent déjà près de 50 % du PIB de l’UE. Nous devons donc faire un usage intelligent de l’argent public qui soit de nature à libérer l’investissement. Les dépenses publiques doivent être affectées à leur vocation première, qui est de financer nos écoles et nos systèmes de protection sociale et non de rembourser la dette.
Aujourd’hui, nous luttons contre ces pathologies européennes sans pour autant perdre de vue notre priorité: l’économie réelle. L’heure n’est pas aux combats nationaux, politiques ou idéologiques. L’heure est à l’émergence d’un large consensus politique et social, et à des négociations d’envergure pour remettre l’Europe sur les rails. J’entends souvent dire que nous avons besoin d’«argent frais». Selon moi, nous avons surtout besoin d’un nouveau départ et de nouveaux investissements.
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Pas de retour en arrière possible
Il s’agit d’une offensive pour l’investissement visant à optimiser notre politique économique. Nous nous concentrons sur des investissements européens à grande échelle et à long terme, visant à créer des emplois. Nous ciblons également les PME — les créateurs d’emplois de l’Europe -afin de donner un coup de fouet à l’économie réelle.
Nous sommes en train de franchir un cap, en complétant la responsabilité budgétaire et les réformes structurelles par des plans d’investissement et des instruments innovants. Ce plan d’investissement sans précédent, qui mobilise tous les niveaux de pouvoir, est la pièce manquante du puzzle, le troisième sommet du triangle vertueux. La triade reconstituée. Nous nous appuierons sur trois piliers: l’argent, les projets et les règles pour créer le bon environnement pour les entreprises.
Nous apportons de l’espoir à des millions d’Européens désenchantés après des années de stagnation. Oui, l’Europe peut encore devenir l’épicentre d’une grande campagne d’investissement. Oui, l’Europe peut renouer avec la croissance. Oui, le modèle social européen subsistera. Maintenant que nous allons dans la bonne direction, nous ne pourrons plus faire machine arrière.
Allocution de Mr Jean Claude JUNCKER
Président de la Commission Européenne
Strasbourg, le 26 novembre 2014